La négociation et la renégociation à l’aune de la loi du 17 juin 2016, nouvelles contraintes ou réelles opportunités ?

francois-bauduinFrançois Bauduin
Expert marchés publics

La situation actuelle

Procédure d’exception, la procédure négociée, qu’elle soit avec ou sans publicité, a toujours recueilli les suffrages des pouvoirs adjudicateurs tentés d’y recourir, souvent avec l’idée vraie ou fausse d’une plus grande souplesse liée à la faculté de négociation pourtant in fine régulièrement non mise en œuvre.

La loi du 15 juin 2006 détermine en ses articles 26 et 53 les hypothèses dans lesquelles un pouvoir adjudicateur ou une entreprise publique peut recourir à une procédure permettant la négociation. Les arrêtés d’exécution de la loi en matière de passation, du 15 juillet 2011 (secteurs classiques) et du 16 juillet 2012 (secteurs spéciaux), organisent ces modes d’attribution et fixent les seuils limites.

Concernant l’organisation, les arrêtés actuels ne prévoient aucune obligation de négocier et ne prévoient un encadrement de la négociation que pour les marchés de travaux, de fournitures et de services de l’annexe IIA de la loi qui atteignent le seuil européen et passés par procédure négociée avec publicité (article 109 AR 15 juillet 2011). En secteurs spéciaux, l’article 108 prévoit le principe de la négociation afin de rechercher la meilleure offre sans autre développement. Il va de soi que les principes généraux d’égalité, de transparence et de motivation s’appliquent de droit.

La nouvelle loi du 17 juin 2016 – quels sont les changements ?

Il ne sera pas question ici des nouvelles hypothèses introduites par la loi du 17 juin 2016 qui transpose les directives 2014/24/EU (secteurs classiques) et 2014/25/EU (secteurs spéciaux), même si l’on peut citer en guise de mise en bouche, la possibilité de recourir à la procédure concurrentielle avec négociation dans les cas de marchés incluant la conception ou des solutions innovantes et le nouveau seuil de 750 000 € htva fixé pour la procédure négociée directe avec publication préalable en matière de marchés de travaux.

En ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics autorisant la négociation, la loi du 17 juin 2016 reprend la terminologie européenne qui assure une distinction sémantique selon les secteurs visés.

Citons la procédure sans publication préalable en secteurs classiques  nommée procédure négociée sans mise en concurrence préalable en secteurs spéciaux.

La loi nouvelle donne les lignes directrices du processus de négociation, à tout le moins pour les secteurs classiques et pour la nouvelle procédure de partenariat d’innovation qui intègre une faculté de négociation

Quels sont les changements à attendre de la nouvelle réglementation en devenir en ce qui concerne l’amélioration et/ou la modification des offres au travers de ce que l’on pourra qualifier de négociation et de renégociation ?

Il est ainsi question d’une offre initiale, d’offres ultérieures et d’une offre finale qui clôturera la procédure de négociation. Il s’agit donc a priori d’une exception au principe de l’unicité de l’offre.

Le concept d’exigences minimales repris des directives européennes est introduit dans la réglementation belge, mais sans recevoir de définition. Il appartiendra donc aux pouvoirs adjudicateurs de les mentionner expressément dans les documents du marché.

Pour les marchés relevant des secteurs classiques, le périmètre de la négociation et le processus de négociation et de renégociation sont plus détaillés que dans la réglementation actuelle, mais des divergences sont prévues suivant la procédure envisagée.

Ainsi, pour la procédure concurrentielle avec publication préalable, la négociation est le principe dès lors que le pouvoir adjudicateur doit indiquer, dans l’avis de marché, qu’il se réserve la possibilité de ne pas négocier et que seule une raison objective mériterait l’absence d’une négociation (exposé des motifs de la loi). Pour les autres procédures, la faculté de négocier, ou non, reste le principe de base.

Le processus de négociation – les éléments essentiels en secteurs classiques

Citons ici sans exhaustivité, les grands principes exprimés dans les textes nouveaux.

Les critères d’attribution et les exigences minimales ne pourront faire l’objet de négociations.

En procédure négociée sans publication préalable, l’exposé des motifs de la loi précise que la faculté de négocier permet de rectifier certaines irrégularités, sans que cela ne puisse pour autant mener à la modification des exigences minimales et/ou des critères d’attribution (y compris le cas échéant leur pondération). Une exception est prévue en cas de procédure négociée sans publication préalable pour les marchés estimés sous les seuils fixés pour la publicité européenne (art.41 § 2 al.3 loi).

La possibilité de procéder par phases successives doit être indiquée dans l’avis de marché ou un autre document du marché et l’élimination des soumissionnaires exige une information par écrit.

La confidentialité lors des opérations de négociation est expressément prévue. Les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent révéler aux autres participants des informations confidentielles communiquées par un candidat ou un soumissionnaire participant aux négociations, sans l’accord écrit et préalable de celui-ci.

Les offres initiales négociées et le cas échéant renégociées permettront la remise d’offres ultérieures, nouvelles ou révisées, pour conclure la procédure par la remise des offres finales qui ne pourront plus être négociées. Le pouvoir adjudicateur est tenu d’informer les soumissionnaires restant en lice lorsqu’il entend conclure les négociations. Une date limite commune sera alors fixée pour que les soumissionnaires puissent déposer d’éventuelles nouvelles offres ou offres révisées. Les offres finales seront alors évaluées sur la base des critères d’attribution.

Quid des secteurs spéciaux ?

 En ce qui concerne les secteurs spéciaux, il n’est rien prévu en termes d’encadrement de la procédure et la loi laisse au Roi la possibilité de fixer les modalités procédurales applicables aux diverses procédures reprises aux articles 120, 122, 123 et 124 de la loi du 17 juin 2016). Il n’est ainsi pas question d’offres initiales et définitives.

D’autres précisions dans les arrêtés d’exécution

Cette publication ne préjuge bien entendu pas des compléments et autres précisions qui seront prévus par les arrêtés royaux d’exécution en matière de passation. On pense notamment aux questions liées aux règles applicables en matière de signature et aux moyens de communication dans le cadre de la dématérialisation programmée des marchés publics ou encore aux règles d’attribution du marché.

Pour plus d’informations sur le sujet, inscrivez-vous à notre matinée Négociation et renégociation de vos marchés publics le 17 février à Bruxelles.

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