La nouvelle réglementation des marchés publics – Interview

Marie VastmansMarie Vastmans
Avocate au Barreau de Bruxelles
XIRIUS
www.xirius.be

1- Quelles sont les nouvelles règles en matière de paiement ?

Dans le cadre de la réglementation relative aux marchés publics, le principe veut qu’un paiement ne puisse être effectué que pour un service fait et accepté[1]. Cette règle n’est pas neuve[2].

Sont néanmoins admis les « approvisionnements » qui ont été constitués pour l’exécution du marché et approuvés par le pouvoir adjudicateur. Une prestation, même partielle, doit donc avoir été réalisée et acceptée par le pouvoir adjudicateur pour que le paiement puisse intervenir.

Selon les modalités prévues par les documents du marché, le prix du marché peut en effet être payé en une fois après son exécution complète ou par acomptes au fur et à mesure de son avancement[3].

Il est encore prévu qu’en cas d’interruption du marché par l’ordre ou par le fait du pouvoir adjudicateur pendant au moins trente jours, en dehors de tout retard de paiement, l’adjudicataire a droit à un acompte sur le prochain paiement à concurrence des prestations déjà exécutées.

À titre exceptionnel et uniquement dans les cas limitativement prévus par la loi, des avances peuvent être octroyées à l’adjudicataire[4]. Le montant des avances ne peut en principe pas dépasser 50 % du montant initial du marché, sauf exceptions prévues par la loi (marchés publics de fournitures ou de services conclus avec d’autres États ou une organisation internationale, certains marchés publics de transport aérien, marchés publics de fournitures ou de services conclus sur la base d’un abonnement ou pour lesquels un paiement préalable est requis).

Des intérêts de retard sont dus de plein droit et sans mise en demeure préalable en cas de dépassement des délais de paiement[5]. Le taux applicable a été légèrement revu à la hausse puisque pour les marchés conclus à partir du 16 mars 2013, il s’agit du taux de référence[6] majoré de 8 %, au lieu des 7 % prévus antérieurement.

L’adjudicataire a droit, en outre, à une indemnité forfaitaire de 40 €, de plein droit et sans mise en demeure, au titre de frais de recouvrement. Il s’agit d’une nouveauté. Cette indemnité forfaitaire n’empêche pas l’adjudicataire de réclamer par ailleurs une indemnisation pour tous les autres frais de recouvrement éventuels encourus en raison du retard de paiement.

2- Quelles sont les nouvelles modalités de paiement, en particulier les délais de vérification et de paiement ?

Les modalités de paiement ainsi que les délais de vérification et de paiement diffèrent selon la catégorie de marché concernée.De manière générale, les délais de paiement ont été ramenés à trente jours à partir de l’échéance du délai de vérification.

A. Les marchés de travaux[7]

Pour obtenir le paiement, l’entrepreneur doit introduire une déclaration de créance datée, signée et comprenant un état détaillé des travaux réalisés justifiant le paiement demandé.

Le pouvoir adjudicateur dispose alors d’un délai de vérification de trente jours à partir de la réception de la déclaration de créance et de l’état détaillé[8]. Ce délai peut être prolongé du nombre de jours de dépassement du délai accordé à l’entrepreneur pour introduire sa facture ou du nombre de jours nécessaires pour obtenir la réponse de l’entrepreneur, lorsque celui-ci doit être interrogé sur le montant réel de sa dette sociale ou fiscale, dans le cadre de la responsabilité solidaire des entrepreneurs. Le délai de vérification doit permettre au pouvoir adjudicateur de vérifier l’état des travaux et de dresser un procès-verbal indiquant les travaux acceptés en paiement et les montants dus.

Après avoir pris connaissance dudit procès-verbal, l’entrepreneur dispose alors d’un délai de cinq jours pour introduire une facture.

Au vu de ce qui précède, les délais maximaux de paiement sont de trente jours à dater de l’échéance du délai de vérification pour les marchés conclus à partir du 16 mars 2013 et de soixante jours pour tous les marchés conclus avant cette date pour autant que le paiement concerne le solde du marché ou en cas de paiement unique. Ce délai plus long s’applique également, à titre d’exception, aux pouvoirs adjudicateurs dispensant des soins de santé.

Si aucune vérification n’est prévue pour un marché déterminé, le délai de paiement ne peut dépasser :
– trente jours après la date de réception de la déclaration de créance par le pouvoir  adjudicateur ;
– trente jours après la date de réception de l’état détaillé des travaux réalisés si la date de réception de la déclaration de créance n’est pas certaine ;
– trente jours après la réalisation des travaux si le pouvoir adjudicateur reçoit la déclaration de créance avant la réalisation des travaux, constatée par l’état détaillé des travaux réalisés.

B. Les marchés de fournitures

Le pouvoir adjudicateur dispose d’un délai de vérification de trente jours à partir de la date de livraison, pour procéder aux formalités de réception technique et de réception provisoire et pour en notifier le résultat au fournisseur[9]. Ce délai prend cours le lendemain de l’arrivée des fournitures à destination, pour autant que le pouvoir adjudicateur soit en possession du bordereau ou de la facture. Lorsque ce délai est dépassé, une indemnité de retard spécifique est prévue.

La vérification des fournitures est exécutée sur les lieux de la livraison et consignée dans un procès-verbal ou éventuellement sur le bordereau ou la facture, mentionnant le résultat de la vérification et la date d’arrivée des fournitures.

Dans le cadre des marchés de fournitures, le paiement est effectué dans les trente jours à compter de l’échéance du délai de vérification, à condition que le pouvoir adjudicateur soit en possession de la facture ou du bordereau. Ce délai est porté à soixante jours pour les marchés conclus par des pouvoirs adjudicateurs qui dispensent des soins de santé, pour les fournitures relatives à l’exercice de cette activité.

Pour les marchés de fournitures, la facture vaut déclaration de créances. En cas de livraison en plusieurs fois, le délai de paiement commence à courir à l’échéance du délai de vérification pour chacune des livraisons partielles.

Si aucune vérification n’est prévue, le délai de paiement ne peut dépasser :
– trente jours après la date de réception de la facture par le pouvoir adjudicateur ;
– trente jours après la livraison lorsque la date de réception de la facture par le pouvoir adjudicateur n’est pas certaine ;
– trente jours après la livraison lorsque le pouvoir adjudicateur reçoit la facture avant la livraison.

C. Les marchés de services

Si les documents du marché le prévoient, le prestataire de services avise le pouvoir adjudicateur par lettre recommandée de la date à laquelle les prestations peuvent être contrôlées[10]. Le pouvoir adjudicateur dispose alors d’un délai de vérification de trente jours à compter de la date de la fin des services pour procéder aux réceptions technique et provisoire et en notifier le résultat au prestataire de services.

Le paiement doit intervenir dans un délai de trente jours à compter de l’échéance du délai de vérification[11]. Ce délai est de soixante jours pour les marchés conclus par des pouvoirs adjudicateurs qui dispensent des soins de santé, pour les services relatifs à l’exercice de cette activité.

Il convient également de préciser que si les documents du marché ne prévoient pas de déclaration de créance en tant que telle, la facture vaut déclaration de créance dans le cadre d’un marché de services.

Si aucune vérification n’est prévue, le délai de paiement ne peut dépasser :
– trente jours après la date de réception par le pouvoir adjudicateur de la déclaration de créance  ou de la facture ;
– trente jours après la date de la fin des services lorsque la date de réception de la déclaration de créance ou de la facture n’est pas certaine ;
– trente jours après la fin des services, lorsque le pouvoir adjudicateur reçoit la déclaration de créance ou la facture avant la fin des services.

3- Quelle est la procédure applicable aux travaux supplémentaires ?

Le pouvoir adjudicateur peut apporter unilatéralement des modifications au marché initial, à condition de ne pas en modifier l’objet et moyennant juste compensation s’il y a lieu[12]. Les modifications ordonnées par le pouvoir adjudicateur doivent rester dans une limite de 15 % du montant initial du marché.

Dans le cas particulier de travaux supplémentaires, cette modification doit résulter d’un ordre modificatif écrit[13].

Est assimilé à l’ordre écrit, l’ordre verbal dont l’entrepreneur a fait état par lettre recommandée adressée dans les quarante-huit heures au fonctionnaire dirigeant et que le pouvoir adjudicateur n’a pas démenti dans un délai de trois jours ouvrables à partir de la réception de cette lettre.

En cas de modifications mineures, la seule inscription au journal des travaux peut suffire.

L’ordre modificatif ou l’inscription au journal des travaux doit indiquer de manière suffisamment précise les changements à apporter aux clauses initiales du marché et aux plans, afin de permettre leur correcte mise en œuvre.

En raison du caractère forfaitaire des marchés publics de travaux, les modifications du marché ne donnent en principe pas lieu à une révision des prix unitaires du marché.

Toutefois, des travaux supplémentaires peuvent entraîner une révision des prix unitaires lorsque :
– les suppléments dépassent le triple de la quantité figurant au poste considéré du métré ;
– le prix des suppléments relatifs au poste considéré dépasse 10 % du montant de l’offre et au minimum de 200 000 €.

L’ancien prix reste toutefois applicable à la quantité initialement prévue.

Notons qu’une règle similaire existe également pour les marchés de fournitures et pour les marchés de services[14].

Retrouvez Marie Vastmans le mercredi 26 février 2014 à Bruxelles lors de notre formation « Nouvelle réglementation des marchés publics ».


[1] Article 7 de la loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services.

[2] Ancien article 8 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fourniture et de services.

[3] Article 66 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics.

[4] Article 67 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics.

[5] Article 69, § 1er, de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics.

[6] Taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes ou le taux d’intérêt marginal résultant de procédures d’appel d’offres à taux variable pour les opérations principales de refinancement les plus récentes de la Banque centrale européenne.

[7] Les modalités de paiement pour les marchés de travaux sont prévues à l’article 95 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics.

[8] Ce délai de vérification n’est toutefois pas prévu à peine de déchéance. Il peut également être d’une durée plus longue à condition que cela soit expressément prévu par les documents du marché et que cet allongement ne constitue pas un abus manifeste à l’égard de l’entrepreneur au sens de l’article 9, §2, de l’arrêté royal du 14 janvier 2013.

[9] Article 120 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics.

[10] Article 150 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics.

[11] Article 160 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics.

[12] Article 37 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics.

[13] Article 80 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics.

[14] Articles 121 et 151 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics.

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