La nouvelle proposition de directive relative à la sûreté nucléaire des installations nucléaires – Article

G.BLOCKGuy Block
Avocat aux Barreaux de Paris et Bruxelles
g.block@janson.be

I. Une nouvelle proposition de directive Euratom « sûreté nucléaire »

À la suite de l’accident survenu en 2011 à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, la Commission européenne, en collaboration avec le groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire (ENSREG), a lancé une campagne d’évaluation complète des risques et de la sûreté nucléaire, mieux connue sous le nom de stress tests. Parallèlement, la Commission européenne s’est vu confier la mission, par le Conseil européen, d’examiner le cadre législatif et réglementaire européen existant et de proposer, le cas échéant, des modifications. Le projet de proposition d’une directive du Conseil modifiant la directive 2009/72/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires[1] (ci-après, « proposition de directive ») est l’aboutissement de ce travail.

II. Les améliorations proposées : de nouvelles obligations à charge des autorités de réglementation nationales compétentes et des États membres

Les principales améliorations proposées par la Commission européenne sont les suivantes : un renforcement de l’indépendance de l’autorité de réglementation nationale (ci-après ARN) compétente, la fixation d’un cadre réglementaire contraignant dans chaque État membre, répondant à des objectifs généraux et à de nouvelles exigences techniques communes, une transparence accrue en matière de sûreté nucléaire, la systématisation des échanges d’expériences et un examen, par des pairs, du cadre juridique et des installations nucléaires, ainsi que la mise en place d’un mécanisme pour l’élaboration de lignes directrices européennes harmonisées en matière de sûreté et enfin, un régime de sanction.

A. Un renforcement de l’indépendance de l’autorité de réglementation nationale

L’indépendance structurelle et fonctionnelle de l’ARN  compétente est considérablement renforcée par l’article 1er, (7), de la proposition de directive. Ainsi, les États membres devront garantir que cette ARN soit protégée de toute influence indue sur son processus décisionnel. L’ARN ne pourra recevoir d’instructions aux fins de ses missions réglementaires de toute entité publique ou privée s’occupant de la promotion ou de l’utilisation de l’énergie nucléaire ou de la production nucléaire. Elle disposera de ses propres crédits budgétaires et de l’autonomie d’exécution y afférent. Aussi, des procédures particulières de nomination et de licenciement du personnel devront être organisées par le droit interne des États membres, entre autres, afin d’éviter tout conflit d’intérêts. Sur le plan des compétences matérielles, l’ARN se verra octroyer une compétence supplémentaire, à savoir définir les exigences nationales en matière de sûreté.

B. Un cadre légal complété

Le renforcement du cadre législatif et réglementaire applicable en droit interne des États membres est repris sous la qualification de renforcement du « cadre national » par la proposition de directive. Les dispositions relatives (article 1er, (10)) tendent à clarifier les objectifs de sûreté nucléaire des installations nucléaires tout au long du cycle de leur vie. Ces objectifs et outils visant à en permettre la réalisation, constituent des règles a minima devant être transposées par les États membres. À titre d’exemple, il est prévu que l’ARN « oblige le demandeur [d’une autorisation de construire une nouvelle centrale nucléaire ou d’un réacteur de recherche] à démontrer que la conception limite en pratique à l’intérieur de l’enceinte de confinement les effets d’un endommagement du cœur du réacteur ». Le projet de proposition de directive prévoit également des règles spécifiques d’intervention sur site, à savoir notamment la mise en place par les exploitants nucléaires d’un centre d’intervention d’urgence sur site, protégé des risques naturels et de la radioactivité.

C. Une transparence accrue

De plus, la proposition de directive renforce les obligations de transparence à charge de l’ARN et des exploitants (article 1er, (9)). Chacun doit mettre en place et publier une « stratégie de transparence » organisant les délais pour communiquer dans certaines situations. L’obligation de transparence ainsi élargie, s’inscrit dans le cadre de la Convention d’Aarhus[2] et est sans préjudice des autres procédures de consultation et d’information en matière environnementale.

D. L’évaluation par des pairs de la sûreté nucléaire

La méthode de l’évaluation par les pairs des installations nucléaires, qui a prouvé son efficacité lors des stress tests,[3] est rendue obligatoire par la proposition de directive en son article 1er, (11), sans précision toutefois quant à qui seraient ces pairs. Lors de ces stress tests, l’examen par des pairs consistait à un examen par un groupe de sept personnes comprenant un représentant de la Commission européenne, deux membres permanents d’ENSREG et quatre membres non permanents d’ENSREG. Les évaluations par les pairs au sens de la proposition de directive seront organisées périodiquement et aboutiront à des recommandations à l’État membre sur le plan technique ou réglementaire. En cas de retard ou d’écart dans la mise en œuvre des recommandations techniques, les ARN des États membres non concernés seront appelées à examiner la situation et proposer une mise en œuvre des mesures. Par ailleurs, en cas d’incident[4], les États membres concernés devront organiser, dans un délai de six mois maximum, un examen par les pairs de l’installation nucléaire concernée.

E. La collaboration active entre États membres et entre autorités de réglementation nationales

La proposition de directive prévoit également l’établissement de lignes directrices communes aux États membres sur la base des recommandations des pairs et d’une collaboration accrue entre les ARN des États membres.

F. La mise en place d’un régime de sanctions

Enfin, il est proposé à l’article 1er, (14), de la proposition de directive, d’insérer un régime de sanction dans la directive 2009/71/Euratom, en cas de violation des dispositions nationales transposant la directive.

Au regard de ces éléments, la proposition de directive renforce considérablement les règles en matière de sûreté applicables aux installations nucléaires, même déjà opérationnelles. Il conviendra d’examiner le texte, une nouvelle fois, une fois le processus législatif européen achevé.

Par ailleurs, retrouvez Guy Block lors de la formation « Énergies renouvelables » le 17 septembre 2013 à Namur.


[1] COM (2013 343 final, 13 juin 2013.

[2] Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, 25 juin 1998.

[4] À savoir : « Un accident entraînant un rejet précoce ou important ou un événement anormal aboutissant à des situations qui nécessiteraient des mesures d’intervention d’urgence hors site ou des mesures de protection de la population. »

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