Urbanisme en Région de Bruxelles-Capitale – Brèves de jurisprudence

François BoonFrançois Boon
Avocat Honoraire
Maître de conférence à l’Université de Mons – Facultés Polytechniques
2BUILD Consulting

 

Nathalie BotonNathalie Boton
Conseillère juridique
2BUILD Consulting

 1- Inconstitutionnalité de l’article 330 du COBAT – Changements d’affectation accomplis avant 1992 non soumis à permis d’urbanisme.

CE 11 juillet 2012, n° 220.281, SA Broutin-Brussels-Belgium (BBB)

L’arrêt ici commenté concerne le refus de permis de régularisation pour un changement d’affectation d’un logement en bureaux opéré en 1990. À cette époque, l’article 2, 2°, g, du Titre Ier du Règlement général sur la bâtisse de l’Agglomération bruxelloise du 21 mars 1975 soumettait les changements d’affectation à l’obtention d’un permis de bâtir. Cet article a toutefois été déclaré illégal à plusieurs reprises, tandis que d’autres décisions considéraient au contraire qu’il était légal.

Cette insécurité a été levée lors de l’entrée en vigueur de l’Ordonnance organique de la planification et de l’urbanisme le 1er juillet 1992, dans la mesure où elle soumettait clairement les changements d’affectation à permis d’urbanisme.

L’insécurité demeurait néanmoins pour tous les changements d’affectation opérés entre 1975 et 1992. C’est pourquoi l’ordonnance du 18 juillet 2002 à introduit un nouvel article – aujourd’hui devenu l’article 330 du COBAT – qui soumet à permis d’urbanisme les changements d’affectation accomplis avant le 1er juillet 1992, tout en précisant que le permis ne peut être refusé qu’en cas de violation d’un plan particulier d’affectation du sol ou d’un permis de lotir en vigueur au moment où ils ont été exécutés ou si le demandeur ne parvient pas à établir que l’affectation ou l’usage du bien n’a pas été modifié(e) depuis le 1er juillet 1992.

En l’espèce, le Conseil d’État confirme tout d’abord que le Règlement sur les bâtisses de l’Agglomération bruxelloise du 21 mars 1975, en ce qu’il soumettait les changements d’affectation à permis d’urbanisme, était illégal et en conclut que le changement opéré en 1990 n’était alors pas soumis à permis d’urbanisme. Il considère ensuite que l’article 330 du COBAT est contraire à la Constitution, en ce qu’il soumet rétroactivement à permis des actes qui ne l’étaient pas au moment où ils ont été accomplis et annule par conséquent le refus de permis d’urbanisme.

2- Permis d’urbanisme – Obligation d’imposer le respect de l’avis du Service d’Incendie et d’Aide Médicale Urgente.

CE 12 juillet 2012, n° 220.313, Commune de Schaerbeek

Dans cette affaire, le Conseil d’État rappelle que l’article 124 du COBAT impose que l’avis préalable du SIAMU soit joint à la demande de permis d’urbanisme, et que les articles 193 du COBAT et 54 du titre XIII « Mesures de prévention contre l’incendie » du Règlement général sur la bâtisse de l’agglomération de Bruxelles du 17 mars 1976 prévoient que le respect des conditions fixées par l’avis du SIAMU doit être imposé lors de la délivrance du permis. Il en conclut que cette obligation doit expressément figurer dans le permis et que l’absence d’une telle mention entraîne l’illégalité de celui-ci.

3- Permis d’urbanisme – Permis d’urbanisme de régularisation – Refus – Valeur patrimoniale – ZICHEE – Absence de classement – Rupture du principe de proportionnalité et d’égalité.

CE 21 septembre 2012, n° 220.693, SA « MIA TRAIDING INT. »

Dans cette affaire, la requérante avait introduit une demande de permis d’urbanisme de régularisation couvrant le remplacement d’une porte métallique d’origine, en accordéon et avec ferronnerie d’un rez-de-chaussée d’un immeuble Art Déco construit en 1935 par une porte sectionnelle de type industriel en finition plastique rouge.

On retiendra, dans le cadre de l’analyse du premier moyen, le rappel fait par le Conseil d’État que l’absence de tout classement d’un bien n’empêche pas l’autorité, dès lors que l’immeuble en cause est situé dans une zone d’intérêt culturel, historique, esthétique ou d’embellissement (ZICHEE), d’invoquer la nécessaire préservation d’une façade représentant un intérêt patrimonial, et ce sur base de la prescription 0.21 du PRAS qui porte expressément que la modification des immeubles compris dans une telle zone peut être subordonnée à des conditions tendant à sauvegarder leurs qualités esthétiques, et ce même si l’immeuble n’est pas classé en application des dispositions relatives à la protection des monuments et sites.

Dans le cadre des second et troisième moyens au travers desquels le requérant mettait en exergue une rupture fautive des principes de proportionnalité et d’égalité, le Conseil d’État rappelle utilement, concernant le premier de ces deux principes, que l’autorité qui instruit une demande de permis de régularisation, ne peut se laisser influencer par le poids des faits accomplis, mais doit exclusivement se référer aux critères du bon aménagement du territoire et de la légalité tels qu’ils étaient en vigueur au moment des faits ou au moment de la décision.

En l’espèce, quant à l’argument invoquant que les travaux incriminés ont été effectués uniquement pour permettre à une entreprise de continuer à exploiter valablement son commerce sans risque pour son personnel, le Conseil d’État considère que celui-ci revient à opposer des considérations d’ordre économique à la conception du bon aménagement des lieux que l’autorité administrative a retenue dans les limites du pouvoir d’appréciation que lui laissent les prescriptions urbanistiques applicables au bâtiment considéré ; que la partie adverse n’était pas tenue de s’interroger sur l’importance de la charge que représente, pour la requérante, la remise de la porte en son état d’origine. En outre, il n’est pas disproportionné de faire peser une charge importante sur une entreprise qui a pris le risque d’apporter à l’immeuble des modifications, sans se conformer aux dispositions urbanistiques et il incombe à la requérante de supporter les conséquences de l‘illégalité dans laquelle elle s’est délibérément mise.

Sur le second des deux principes énoncés (rupture du principe d’égalité), après avoir rappelé qu’en l’espèce, le dossier ne contient aucune photo d’un autre immeuble situé dans le quartier pour lequel des décisions contraires ou contradictoires auraient été rendues, le Conseil d’État rappelle qu’en tout état de cause, la circonstance qu’une situation irrégulière comparable ait pu être tolérée par les autorités compétentes, n’a aucune incidence sur la légalité en l’espèce de l’acte attaqué.

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