Urbanisme en Wallonie – Brèves de jurisprudence

Michel Delnoy
Avocat Associé Bours & Associés
Professeur à l’ULg

1- Demande de permis d’urbanisme de régularisation après procès-verbal d’infraction – Recevable tant que le procès-verbal n’a pas encore été notifié.

CE 15 juin 2012, n° 219.770, Kohl-Bemelmans
On sait qu’avec le décret du 24 mai 2007, le législateur wallon a entendu donner un « tour de vis » en matière d’infractions et de sanctions d’urbanisme. L’article 159 bis du CWATUPE, inséré par ce décret, prévoit qu’en cas d’infraction d’urbanisme – résultant par exemple d’une construction réalisée sans permis d’urbanisme – aucune demande de permis de régularisation ne peut être introduite à partir du moment où un procès-verbal d’infraction a été dressé et notifié à l’auteur de l’infraction. Dans cet arrêt, le Conseil d’État indique, conformément au texte légal, qu’une demande de permis de régularisation peut être déposée même après l’établissement d’un procès-verbal, pour autant que ce dernier n’ait pas encore été notifié à l’auteur de l’infraction.

2- Projet urbanistique nécessitant plusieurs demandes de permis – Pas nécessairement d’obligation d’évaluation globale des incidences sur l’environnement.

CE 10 juillet 2012, n° 220.272, S.P.R.L. Eurofencing et crts
La mise en œuvre d’un projet urbanistique complexe requiert souvent, pour des motifs divers, plusieurs demandes de permis d’urbanisme, concomitantes ou différées. Le Code de l’environnement impose dans ce cas, en principe, la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement – par exemple, une étude d’incidences sur l’environnement – globale, portant sur l’ensemble des éléments des différentes demandes de permis considérés comme constitutifs d’un projet unique : il est interdit de « saucissonner » un projet unique en plusieurs demandes de permis pour éviter une évaluation globale des incidences sur l’environnement.
Or, il n’est pas toujours possible de faire réaliser semblable évaluation globale quand il est impossible de déterminer à l’avance les composantes précises de l’ensemble des différentes demandes de permis, spécialement quand il n’est pas prévu de déposer ces demandes concomitamment. Dans cet arrêt, le Conseil d’État tempère quelque peu l’obligation d’évaluation globale des incidences, en indiquant opportunément qu’elle n’est pas d’application quand les différentes demandes de permis n’ont pas des objets entre lesquels existe une interdépendance urbanistique et qui peuvent fonctionner de manière autonome les uns par rapport aux autres. Dans ce cas, en effet, il n’y a pas de projet unique.

3- Impossibilité d’obtenir un permis d’urbanisme portant atteinte aux droits civils des tiers.

CE 20 février 2012, n° 218.135, Coulon
On sait qu’il est traditionnellement considéré qu’un permis d’urbanisme est délivré « sous réserve des droits civils des tiers ». C’est ce qui permettait jusqu’il y a peu d’admettre, par exemple, qu’un permis d’urbanisme soit demandé par une personne non propriétaire du terrain concerné ou qu’un permis d’urbanisme soit délivré pour une construction non conforme aux servitudes du Code civil, notamment en matière de jours et vues.
Le Conseil d’État semble, depuis quelques mois, remettre en cause cet enseignement traditionnel. Entre autres, dans un arrêt Soors, du 24 mars 2011, n° 212.228, il avait déjà affirmé qu’« à défaut de titre évident, la demande de permis doit contenir une justification de la possibilité pour le demandeur de mettre en œuvre le permis qu’il sollicite », remettant en cause la possibilité de demander un permis d’urbanisme portant sur un terrain appartenant à un tiers. Dans l’arrêt ici (trop) brièvement résumé, il affirme que « le fait qu’un permis d’urbanisme est délivré sous réserve des droits civils des tiers, ne dispense aucunement l’autorité qui délivre ce permis d’effectuer un examen au moins sommaire de la conformité des projets aux normes de droit civil », dans la mesure où « il y va de la protection élémentaire des droits des administrés sur leur territoire ». Ce disant, il semble remettre en cause la possibilité d’obtenir un permis d’urbanisme pour une construction non conforme aux servitudes du Code civil, notamment en matière de jours et vues.

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