Sols pollués

Michel Delnoy
Professeur à l’ULiège
Avocat au barreau de Liège

Sur la base du projet qui lui a été adressé par le gouvernement, il ne fait aucun doute que le parlement wallon va très prochainement adopter – s’il ne l’a pas déjà fait au moment où ces lignes paraissent – le décret « relatif à la gestion et à l’assainissement des sols » (D.G.A.S.), destiné à abroger et remplacer l’actuel décret de gestion des sols du 5 décembre 2008 et ce, vraisemblablement à la date du 1er janvier 2019.

En l’adoptant, le législateur wallon poursuit notamment le but de simplifier et clarifier le régime de gestion des sols pollués, le rendre réellement opérationnel et juridiquement sûr, favoriser son application concrète en ce compris sur base volontaire et, ainsi, accroître substantiellement le nombre de terrains dépollués. Cette volonté de voir bien davantage de friches assainies est présentée comme une nécessité à la fois économique, environnementale et sanitaire et correspond donc, même si le concept n’est pas expressément invoqué, à une démarche de développement durable.

Une première lecture du projet de décret nous donne le sentiment qu’au regard de cet objectif, il ne déçoit pas. Tout en n’y étant pas bouleversé, le régime d’assainissement des sols pollués est incontestablement clarifié et simplifié et rendu moins exigeant. Il est donc davantage susceptible de séduire les acteurs concernés. L’information de ces derniers est par ailleurs, elle, renforcée, ce qui est également, incontestablement, un plus.

1. Clarification – simplification

Dans le (projet de) D.G.A.S., les valeurs d’intervention et de référence disparaissent, au profit des seules valeurs seuils. Le régime devient enfin clair au premier regard : la situation d’un terrain et l’objectif d’assainissement qui doit, le cas échéant, lui être assigné sont appréciés au regard des seules valeurs seuils. Les différents usages auxquels sont associées les valeurs seuils sont mieux définis par rapport aux affectations planologiques (usages de droit) et aux utilisations réelles (usages de fait). Les rapports avec d’autres législations sont identifiés et définis aussi clairement que possible : déchets, stations-services, réservoirs, terres excavées. Le régime devient plus clair, plus simple, plus aisément compréhensible.

Ces clarifications s’inscrivent cependant dans le maintien d’éléments essentiels de l’actuel décret, dont spécialement la trame des investigations et travaux d’assainissement : l’étude d’orientation, l’étude de caractérisation, le projet d’assainissement, les travaux d’assainissement, les mesures de sécurité et de suivi et le certificat de contrôle du sol ne subissent pas de bouleversement. Cela participe également à la clarté du régime.

Tout cela devrait renforcer la sécurité juridique, l’effectivité du régime d’assainissement des sols, sa praticabilité, son utilisation concrète.

 2. Réduction du niveau d’exigence

Toute une série de nouveautés concourent à rendre le nouveau régime moins exigeant que l’actuel. Il s’agit entre autres de la nouvelle définition de la notion centrale de terrain, destinée à permettre de se focaliser sur les poches de pollution ; de la révision à la baisse des objectifs d’assainissement, qui deviennent plus clairement identifiables, notamment par référence à 80% des valeurs seuils ; du relèvement de certaines valeurs seuils.

Le (projet de) D.G.A.S. comporte d’autres nouveautés destinées à rassurer les acteurs potentiellement concernés, comme la possibilité de céder les obligations d’investigation et d’assainissement à un tiers, la substitution de titulaire de ces obligations, par l’administration, en cours de procédure et une série de procédures administratives accélérées.

Tout cela devrait concourir à renforcer l’attractivité du décret et inciter à l’appliquer à davantage de terrains pollués.

3. Renforcement de l’information

Dans le cadre du (projet de) D.G.A.S., la vente (de certains terrains susceptibles d’être pollués) ne déclenche plus en elle-même les obligations d’investigation et d’assainissement. Par contre, le régime d’information est, lui, renforcé. D’une part, le vendeur est expressément tenu de fournir une série d’informations à l’acquéreur, d’autre part, la banque de données de l’état des sols est enfin rendue opérationnelle et accessible à tous, même si elle est destinée à n’être alimentée que progressivement.

Cela devrait affermir la sécurité juridique des opérations, diffuser plus largement la préoccupation de gestion des sols pollués et renforcer l’efficacité du régime dans son ensemble.

On peut donc voir le (projet de) D.G.A.S. avec bienveillance et intérêt, même si l’on devine qu’il ne résout pas toutes les difficultés, qu’il ne répond pas à toutes les questions et, surtout, qu’il ne dispense évidemment pas d’un assainissement là où il en faut un.

Reste à savoir s’il sera soumis au test du standstill et, dans l’affirmative, s’il le passera avec succès. Certes, le (projet de) D.G.A.S. implique que les exigences associées à chaque terrain pollué en particulier seront réduites par rapport au régime actuel. Mais, d’un autre côté, bien davantage de terrains pourraient bien, à l’avenir, faire l’objet d’une gestion de leur pollution, ce qui serait de nature à renforcer, globalement, la protection de l’environnement.

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