Le traitement des incapacités de travail des agents statutaires et le trajet de réintégration

 

Laurence Markey
Avocat associé
Juge suppléante
Younity

L’incapacité de travail, dans le droit social de la fonction publique, pour les agents statutaires, diffère, à de nombreux égards du traitement de l’incapacité de travail pour les agents contractuels du secteur public qui sont traités, quant à eux, comme les travailleurs salariés du secteur privé. Depuis la modification de l’arrêté royal du 28 mai 2003 relatif à la surveillance de la santé des travailleurs, aujourd’hui abrogé et introduit de la code du bien-être, et l’intégration d’une section 6/1 consacrée au trajet de réintégration pour le travailleur qui ne peut plus exercer le travail convenu temporairement ou définitivement, la question se pose de savoir si un point de convergence peut être trouvé entre agents statutaires et contractuels.  En d’autres termes, ce trajet de réintégration s’applique-t-il aux agents statutaires et le cas échéant, dans le cadre d’une contestation, quelle juridiction peut être saisie ?

Un arrêt récent du Conseil d’État du 22 juin 2017 (n° 238.607) mérite d’être épinglé, puisqu’il s’agit de la première jurisprudence évoquant la question du trajet de réintégration. Les faits peuvent être résumés comme suit : une agente statutaire d’un CPAS se voit démissionner d’office en raison d’une absence injustifiée de plus de dix jours.  On se souviendra que cette sanction de démission d’office est spécifique aux agents statutaires qui, nonobstant une mise en demeure de justifier leur absence, ne répondent pas à l’autorité.  En l’espèce, l’agente qui était en incapacité de travail, avait sollicité la mise en place d’un trajet de réintégration. Dans le cadre de son avis, le médecin-conseiller en prévention avait conclu à l’inaptitude définitive pour exercer la fonction, mais à l’aptitude à exercer une autre fonction tenant compte de certaines recommandations. Le secrétaire du CPAS avait estimé qu’aucun poste ne pouvait être proposé. Des contestations sur cette décision, prises sans concertation préalable, surgissent. Mais, durant cette période de contestation, l’agente ne transmet pas de certificat médical justifiant la prolongation de son incapacité, malgré plusieurs demandes du CPAS qui déclare que nonobstant les questions liées au trajet de réintégration, les considérations du médecin-conseiller en prévention ne constituent pas une justification de l’incapacité au regard du statut. Au regard de cette absence de justification, le CPAS constate la démission d’office de l’agente.

L’agente sollicite la suspension de cette décision de démission sur la base de divers moyens dont celui de la violation de l’article 73, §4 de l’arrêté royal du 28 mai 2003.  Elle estime, en effet, que le secrétaire du CPAS n’a pas respecté le prescrit de cette disposition, puisqu’il a refusé de mettre en place un trajet de réintégration, sans avoir suivi la phase de concertation préalable.

Le Conseil d’État va tout d’abord estimer que ces dispositions sont applicables aux agents statutaires.  Cette conclusion implicite du Conseil d’État ne doit pas étonner, compte tenu du champ d’application du code du bien-être qui vise toutes les relations de travail, en ce compris la relation statutaire.

Le Conseil d’État se pose ensuite la question de sa compétence. Il relève qu’a priori, et sur la base de l’article 79, §1er de la loi du 4 août 1996, la contestation d’une décision portant sur le trajet de réintégration ou le refus d’instaurer celui-ci est de la compétence des juridictions du judiciaire. Le Conseil d’État en conclut donc que de prime abord, dans le cas d’espèce qui visait à vérifier la légalité d’une décision de démission, la remise en cause de la régularité de la procédure sur le trajet de réintégration n’a pas d’incidence. Le Conseil d’État, sur cette base, estime le moyen irrecevable.

Il est intéressant de noter cependant que le Conseil d’État n’a pas fermé définitivement la porte à la recevabilité d’un tel moyen. Ce n’est que compte tenu du fait que la décision sur le trajet de réintégration était étrangère, et sans interaction avec la démission d’office, qu’il a estimé le moyen irrecevable.

Quant au dernier moyen, fondé sur une violation de la disposition du statut concernant la démission d’office pour une absence non justifiée, le Conseil estime que l’agent devait savoir que le fait que son employeur avait invoqué une absence de mise en place de trajet de réintégration ne l’exonérait pas de son obligation règlementaire de justifier son absence.  Le Conseil d’État constate donc une étanchéité entre les dispositions statutaires sur le contrôle et la justification de l’incapacité de travail et les dispositions prévues par l’arrêté royal du 28 mai 2003 en ce qui concerne le trajet de réintégration.

En conclusion, nous pouvons retenir que les dispositions relatives au trajet de réintégration sont applicables aux agents statutaires. Les contestations au sujet des décisions relatives à ce trajet de réintégration sont de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.  Il n’est cependant pas exclu, à ce stade, que le Conseil d’État puisse être compétent.

Enfin, les constatations médicales émises dans le cadre du trajet de réintégration ne permettent nullement de légitimer une absence, l’agent statutaire devra fournir une attestation médicale ad hoc.

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