La bonne gouvernance des hôpitaux : une démarche proactive

Aurélie DebounyAurélie Debouny
Juriste d’entreprise – Fédération des Hôpitaux Privés de Belgique

Le secteur des soins de santé est actuellement en pleine mutation. En effet, de nombreuses réformes sont en cours, notamment la réforme du financement hospitalier, celle de la réglementation relative à l’exercice des professions de soins de santé ou celle de l’enseignement de l’art infirmier, par exemple.

Ces changements auront inéluctablement des conséquences importantes sur le terrain pour les hôpitaux dans leurs relations avec les patients, mais aussi avec les travailleurs.

Même si ces réformes ne sont pas encore d’application, il est important que les institutions les anticipent pour être prêtes dès leur entrée en vigueur. C’est pourquoi la majorité des institutions ont déjà adapté leur mode de fonctionnement, malgré les zones d’incertitude qui peuvent exister car d’une part, la législation à venir n’est pas encore tout à fait claire et d’autre part, la législation actuelle contient certaines lacunes.

C’est dans ce cadre qu’intervient le principe de bonne gouvernance. En effet, il est important que l’hôpital élabore des règles, des procédures qui permettent d’encadrer ces changements, tout en se prémunissant des risques.

La bonne gouvernance est ici analysée à travers deux volets, la relation entre l’hôpital et le patient et la relation entre l’hôpital et les prestataires de soins, mais il est évident que le fonctionnement à long terme de l’hôpital (gestion financière) aura également un effet sur ces procédures.

1.L’hôpital et sa relation avec le patient

Le secteur des soins de santé, secteur à profit social est particulier car il a une visée d’intérêt général. Le patient doit être au centre des préoccupations.

La loi relative aux droits du patient[1] a eu notamment pour objectif de donner plus d’autonomie aux patients : droit à l’information, consentement, libre choix du médecin.

Depuis quelques années, on observe une évolution dans la relation du patient avec l’hôpital et les prestataires de soins. Il n’est en effet plus considéré comme un acteur passif qui subit le traitement (modèle paternaliste), mais bien comme un partenaire qui doit être associé à son traitement (modèle participatif) et qui peut éventuellement être amené à poser certains actes. Il s’agit de la notion « d’empowerment du patient » ou d’éducation thérapeutique. Le projet e-santé qui permet le partage électronique et sécurisé des données de santé entre le patient et les prestataires de soins illustre bien cette évolution.

Il reste néanmoins nécessaire d’élaborer des procédures pour les prestataires de soins afin de leur permettre de laisser le patient gérer son traitement en toute sécurité. En effet, en cas d’accident et de poursuite, la responsabilité pénale du professionnel pourrait être engagée si un défaut de prévoyance ou un manque de prudence du professionnel peut être démontré et que des blessures ou un homicide involontaire s’ensuivent[2]. La responsabilité pénale de l’hôpital pourrait également être engagée si une faute propre, distincte de celle du prestataire, peut être démontrée : mauvaise organisation générale, manque de personnel, mesures de sécurité insuffisantes, etc.

2. L’hôpital et sa relation avec les prestataires de soins

Rappelons que les professions de soins de santé sont réglementées[3], ce qui leur confère une protection légale (titre particulier, liste d’actes, etc.) qui contribue à la qualité et la sécurité de soins, mais qui peut parfois induire un certain cloisonnement des différentes professions qui visent pourtant un objectif commun : l’intérêt du patient.

Face à ce constat, beaucoup d’hôpitaux tentent de favoriser l’interdisciplinarité, également prônée par la réforme en cours de l’exercice des professions de soins de santé. En effet, il a été remarqué que cette forme de collaboration contribue largement à la qualité et à la continuité des soins en favorisant, notamment, la concertation et la communication.

Cette interdisciplinarité ne doit pas remettre en cause les compétences des professionnels. Elle a, au contraire pour objectif, de mettre en évidence la logique, la spécificité et les limites de chaque acteur afin de favoriser le partage des connaissances entre les différentes disciplines vers un but commun. Il s’agit donc d’une collaboration au sein de laquelle chaque praticien conserve son autonomie propre à sa fonction et à sa spécialisation, mais également sa responsabilité vis-à-vis des actes qu’il pose.

Pour permettre cette collaboration interprofessionnelle, l’hôpital doit mettre des outils à la disposition des prestataires, organiser des réunions qui permettent la communication et la transmission d’informations entre les différentes disciplines. On pense notamment à un dossier global partagé entre les différents prestataires de soins.

Toutes ces évolutions dans les relations avec le patient et les prestataires de soins doivent donc être bien encadrées par les hôpitaux (procédures, informations, réunions, outils…) pour continuer à assurer la qualité et la sécurité des soins. Dès lors, les réformes de l’exercice des professions des soins de santé, de la loi sur les droits du patient et de la formation en art infirmier sont attendues avec impatience, car il est certain qu’elles pourront constituer un levier pour les hôpitaux dans ces processus de bonne gouvernance.

[1] Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, M.B., 26 septembre 2002.

[2] Article 418 et suivants du Code pénal.

[3] Loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l’exercice des professions des soins de santé, M.B., 18 juin 2015.

Pour plus d’informations sur le sujet, retrouvez Aurélie Debouny lors de notre formation Bonne gouvernance des hôpitaux le 10 mai à Bruxelles.

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