Les clauses excluant la responsabilité in solidum

 

Bernard de CocquéauBernard de Cocquéau
Avocat au barreau de Liège et inscrit auprès du barreau de Bruxelles
Elegis avocats

I.  Absence de validité des clauses excluant la responsabilité in solidum

Les vices et malfaçons affectant les travaux sont fréquemment le résultat de fautes conjointes dans le chef des différents intervenants du chantier (entrepreneur, architecte, bureau d’études). Par ailleurs, la jurisprudence a parfois eu tendance à faire application de cette responsabilité in solidum de manière trop aveugle, sans vérifier que la totalité du dommage était bien en relation avec les fautes des différents constructeurs, reconnus partiellement responsables.

De ce fait, sont apparues, dans de nombreux contrats, des clauses excluant la responsabilité in solidum dans le chef des constructeurs. Ces clauses visaient à limiter la responsabilité du constructeur à sa seule part, à l’exclusion de la part des autres coresponsables.

Les conséquences d’une telle responsabilité in solidum pouvaient, en effet, être très lourdes en cas d’insolvabilité de l’un ou l’autre coresponsable.

C’est notamment dans les contrats d’architecte que s’est développé, de manière la plus importante, ce type de clause d’exclusion de la responsabilité in solidum, les assureurs de responsabilité des architectes obligeant à l’insertion de telles clauses dans les contrats, sous peine de majoration de prime.

La validité de ces clauses a souvent été discutée en doctrine et jurisprudence. La majorité des décisions validaient toutefois, jusqu’il y a peu, ce type de clause d’exclusion d’exonération de la responsabilité in solidum (Liège, 28 juin 2002, Entr et Dr. 2003, p. 105 ; Liège, 27 avril 2007, R.R.D. 2007, p. 25-12 ; civ. Anvers, 15 janvier 2004, R.W., 2007, p. 1207).

Certains se posaient toutefois la question de la validité de cette clause en cas de mise en cause de la responsabilité décennale prévue aux articles 1792 et 2270 du code civil, vu le caractère d’ordre public de cette responsabilité qui empêche toute forme de limitation ou dérogation conventionnelle à cette responsabilité (voir par exemple A. DELVAUX et alias, Contrat d’entreprise : Chronique de jurisprudence 2001-2011, dossier du JT, n°89, p. 327).

Par un important arrêt du 5 septembre 2014 (rôle C.13.0395.N, www.juridat.be), la Cour de cassation a rejeté la validité de telles clauses d’exclusion de la responsabilité in solidum en cas de responsabilité décennale des constructeurs.

La Cour de cassation interprète bien cette disposition comme étant une limitation de la responsabilité, interdite, compte tenu du caractère d’ordre public de cette responsabilité décennale.

II. Quelles conséquences attendre de l’arrêt du 5 septembre 2014 de la Cour de cassation ?

Tout d’abord, ces clauses d’exclusion de la responsabilité in solidum ne devraient pas complètement disparaître, même si leur intérêt se voit aujourd’hui limité. En effet, à côté de la responsabilité décennale des constructeurs, subsiste une responsabilité pour vices cachés véniels pour laquelle une exclusion de la responsabilité in solidum reste possible.

Ensuite, cette décision devrait à nouveau remettre en débat la question d’une assurance obligatoire dans le secteur de la construction, puisque les architectes et leurs assureurs ne peuvent limiter conventionnellement le risque d’assumer la part de responsabilité de l’entrepreneur défaillant en cas de responsabilité décennale. Rappelons, à cet égard, que depuis un arrêt de la Cour constitutionnelle du 12 juillet 2007, la Cour a reconnu que les architectes étaient victimes d’une discrimination en ce qu’ils sont les seuls à être obligatoirement assurés et qu’ils risquent, précisément, au travers de condamnations in solidum, d’être le groupe professionnel de la construction dont la responsabilité est ainsi la plus exposée.

L’actuel gouvernement semble d’ailleurs vouloir remettre sur la table la question de cette assurance obligatoire dans le secteur de la construction.

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