Les premiers pas du nouveau gouvernement

Pascal DelwitPascal Delwit
Centre d’étude de la vie politique de l’Université libre de Bruxelles

Le 11 octobre, les dix-huit membres du gouvernement fédéral prêtaient serment devant le souverain, donnant de la sorte naissance à un exécutif d’une essence inédite. Pour la première fois dans l’histoire politique belge, un rôle linguistique était fortement minoré et pour la première fois depuis 1950, l’exécutif ne comportait qu’une seule famille politique.

I. Gestation et composition inattendues

Pour saisir cette situation, il importe de revenir aux deux moments qui ont orienté cette édification. Le premier intervient le 26 mai 2014. Réunis, les dirigeants du CD&V décident de monter dans les exécutifs fédéral, régional et communautaire avec la N-VA. Pas question de se relancer dans une tripartite traditionnelle. Pas plus question donc d’une symétrie entre niveau fédéral et entités fédérées, impraticable en région wallonne et non majoritaire à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le deuxième se déroule le 24 juin, lorsque le président du CDH refuse d’entrer en négociation avec la N-VA, le CD&V et le Mouvement réformateur sur la base de la note de Bart De Wever. Ce refus entraîna la construction d’une coalition avec le Mouvement réformateur pour seul parti francophone et l’entrée de l’Open VLD dans les pourparlers et dans le gouvernement de la région et de la Communauté flamande.

Après plus de trois mois de négociations, les quatre partis annoncèrent un accord le 9 octobre et la désignation de Charles Michel comme Premier ministre, quand bien même le CD&V avait initialement conditionné sa participation à l’octroi du 16 rue de la Loi à Kris Peeters.

II. Des choix socio-économiques résolument à droite

Dès lors que le gouvernement est constitué des quatre partis les plus à droite de l’échiquier politique parmi les formations démocratiques, il est assez normal que les grandes mesures annoncées empruntent aux choix classiques de droite en matière socio-économique. Les aspects les plus substantiels se résument sans doute en quatre mesures ou directions-clés.

L’essentiel de l’assainissement des finances publiques s’opèrera par le biais d’une contraction des dépenses publiques, singulièrement dans le domaine de la Sécurité sociale.

La relance est escomptée par l’intermédiaire d’une amélioration attendue de la compétitivité des entreprises. À ce titre, une importante réduction des cotisations sociales patronales est consentie.

Dans le même ordre idée, un saut d’index de même qu’une poursuite de la modération salariale sont décidés.

Enfin, pour parer à l’élévation tendancielle du coût des pensions, l’âge légal de départ à la pension est relevé (66 ans en 2025 et 67 ans en 2030).

Paradoxalement néanmoins, des mesures escomptées sont – quasiment absente – de l’accord de gouvernement. La première a trait à la grande réforme fiscale promue en particulier par le Mouvement réformateur et l’OpenVLD pendant la campagne électorale. La seconde a trait au « tax-shift » annoncé par le CD&V dans les jours précédant l’accord : un glissement d’une fiscalité jugée trop forte sur le travail au profit d’une fiscalité sur les plus-values.

Des mesures symboliques communicationnelles

Pour contrecarrer la vague d’impopularité que le gouvernement pressentait face à ces choix, deux mesures sont annoncées en parallèle. Difficilement praticables, elles ont, en revanche, le mérite de recevoir un soutien majoritaire de la population : l’introduction d’un service minimum à la SNCB et l’établissement de travaux d’intérêt public pour les demandeurs d’emploi de longue durée.

Une opposition sociale et politique consistante

Ces annonces ont généré le déploiement marqué d’une forte opposition politique, mais aussi d’une imposante opposition sociale, dont la première grande étape fut une manifestation en Front commun syndical FGTB-CSC-CGSLB. Elle a indubitablement mis en difficulté le CD&V, dont la position dans l’attelage apparaît la plus précaire. La persistance voire la montée en puissance d’une opposition sociale fédérale et la poursuite du ton extrêmement dur de l’ACV à l’endroit de l’exécutif est pour la majorité comme pour l’opposition est un des enjeux déterminants pour apprécier la dynamique qui va présider au déploiement des politiques publiques annoncées.

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