Brèves de jurisprudence

Christophe Thiebaut
Avocat
PAQUES – NOPERE – THIEBAUT
Cabinet d’avocats – Advocatenkantoor – Law firm

 

1. Conseil d’État – Réforme – Référé administratif – Urgence incompatible avec le traitement de l’affaire en annulation – Permis d’urbanisme.

C.E., 8 septembre 2014, Loi, n°228.308

Dans cet arrêt, des précisions importantes sont apportées quant à la notion d’« urgence incompatible avec le traitement de l’affaire en annulation » qui est l’une des conditions pour que le Conseil d’État puisse désormais suspendre un acte administratif, à l’instar d’un permis d’urbanisme. Le Conseil d’État relève, d’abord, que ce n’est pas parce qu’un permis d’urbanisme n’aurait pas encore reçu de début d’exécution qu’il n’y aurait pas d’urgence incompatible avec le traitement de l’affaire en annulation. Par contre, s’il est démontré que le permis ne sera pas mis en œuvre à « bref délai », l’urgence à statuer fait défaut. Le Conseil d’État souligne, ensuite, qu’il faut se demander si les effets du permis d’urbanisme présentent une « gravité suffisante pour établir que l’affaire présente une urgence incompatible avec le traitement du recours en annulation ». L’examen auquel se livre le Conseil d’État quant à la gravité des effets (inconvénients concrets à résulter de la mise en œuvre du permis d’urbanisme et possibilité de remise en état des lieux en cas d’annulation du permis d’urbanisme) n’est pas sans rappeler les contours qui avaient été donnés à la notion de « préjudice grave difficilement réparable » – que celle d’« urgence incompatible avec le traitement de l’affaire en annulation » est appelée à remplacer –.

2. Urbanisme en Région de Bruxelles-Capitale – Plan régional d’affectation du sol (P.R.A.S.) – Prescription générale 0.9.

C.E., 4 septembre 2013, Le Maire et S.P.R.L. « Bruno Lemaire, notaire », n°224.553

La prescription générale 0.9 du P.R.A.S. – dite aussi « clause de sauvegarde urbanistique » – permet, dans certaines circonstances, de réaliser des travaux sur des immeubles dont la destination ou l’utilisation ne correspond pas aux prescriptions du plan – ce qui permet d’en augmenter, dans différentes limites, la superficie –. Lors de l’application de la prescription générale 0.9, le mécanisme de la carte des soldes de bureaux admissible (CasBA) ne s’applique pas. La CasBA, qui vise à éviter une concentration trop importante de bureaux ou d’activités similaires dans les zones principalement destinées au logement, divise le territoire bruxellois en « mailles » et détermine, pour chacune, le solde de bureaux encore admissible. En l’espèce, une demande de permis d’urbanisme avait été introduite pour porter la superficie d’une étude notariale – soit, au sens du P.R.A.S., du bureau –, située en zone d’habitation, de 336 m² à 403 m². Comme la maille dans laquelle l’immeuble est situé était saturée, la seule possibilité pour autoriser l’extension était de recourir à la prescription générale 0.9 du P.R.A.S.

Saisi de la question, le Conseil d’État a considéré que si, en principe, la superficie de bureaux par immeuble est, en zone d’habitation, limitée à 250 m², il a également constaté que, moyennant certaines conditions, cette superficie peut être portée à 500 m². Le Conseil d’État en conclut que la destination ou l’utilisation de l’étude notariale de 336 m² correspond aux prescriptions du P.R.A.S. – ce qui s’oppose à l’application de la prescription générale 0.9 –, tout en constatant que « le paradoxe consistant à faciliter l’extension de surfaces de bureaux déjà supérieures aux limites quantitatives autorisées par le PRAS ne résulte pas de l’acte attaqué, mais du PRAS lui-même ».

3. Urbanisme en Région de Bruxelles-Capitale – Règlement régional d’urbanisme – Permis de lotir – Articulation – Supériorité du permis de lotir antérieur.

C.E., 1er juillet 2014, Lemince, n°227.958

Un permis d’urbanisme est délivré pour la construction d’une habitation sur un terrain repris dans le périmètre d’un permis de lotir. Si la construction autorisée demeure dans la zone constructible du permis de lotir, elle ne respecte toutefois pas les règles de profondeur fixées par le Titre Ier du Règlement régional d’urbanisme (R.R.U.) qui est postérieur au permis de lotir. Saisi d’un recours dirigé contre le permis d’urbanisme, le Conseil d’État apporte deux précisions importantes quant à l’articulation entre les permis de lotir et le R.R.U. Après avoir constaté que le CoBAT n’organise pas cette articulation, le Conseil d’État considère – c’est la première précision – que « la similitude entre la valeur d’un P.P.A.S. et d’un permis de lotir » doit conduire, comme cela est prévu pour les P.P.A.S., à faire primer, en cas de contradiction, le permis de lotir sur le R.R.U. Alors que le Conseil d’État constate qu’il n’existe pas de véritable contradiction entre le permis de lotir et le R.R.U. – le second n’étant que plus restrictif –, il estime – c’est la seconde précision – qu’au regard de la nature du permis de lotir et des droits (d’aliéner et de construire) qu’il confère au lotisseur et aux acquéreurs des lots, ses prescriptions doivent prévaloir sur celles du R.R.U. qui sont plus restrictives du droit de propriété (en tous cas, celles qui s’opposent à l’utilisation de la totalité de la zone capable du permis de lotir).

Laisser un commentaire