La législation relative aux marchés publics – Chronique

Samuel WauthierSamuel Wauthier
Juriste – Service des marchés publics
SPF Chancellerie du Premier Ministre

La législation relative aux marchés publics relève de la compétence fédérale (Premier Ministre) et s’applique à l’ensemble des pouvoirs publics ainsi qu’aux entreprises. Cette législation fait depuis plusieurs années déjà l’objet d’une réforme d’envergure qui devrait aboutir en 2013, de sorte qu’il est important de rappeler certaines notions de base, sans pouvoir entrer dans les détails d’une réalité nettement plus complexe.

Un marché public est d’abord un contrat à titre onéreux ayant pour objet des travaux, des fournitures ou des services. Ce contrat est conclu entre un acheteur public (un « pouvoir adjudicateur » ou une entreprise publique) et un entrepreneur, un fournisseur ou un prestataire de services (appelé « soumissionnaire »).

Un tel contrat « public » se distingue d’un contrat privé sur plusieurs plans.

D’une part, les moyens mis en œuvre sont des moyens publics puisque ce sont – directement ou indirectement – les contribuables qui les financent. Il en résulte que le choix à effectuer ne peut être discrétionnaire ou arbitraire. Le pouvoir adjudicateur est en effet soumis à des règles strictes pour la passation des marchés. Le but de ces règles est d’assurer que les soumissionnaires (les entreprises qui remettent des offres) soient traités de manière égale et non discriminatoire, que la concurrence soit respectée et que les conflits d’intérêts et autres conduites illicites soient évités.

D’autre part, la finalité d’intérêt général poursuivie par le pouvoir adjudicateur impose que des règles particulières gouvernent tant la passation que l’exécution du contrat, afin d’éviter que le service public ne soit interrompu. Ainsi, des prérogatives exorbitantes du droit commun sont accordées au pouvoir adjudicateur, qui peut, par exemple, unilatéralement modifier le marché. À titre de compensation, l’adjudicataire (celui qui exécute le marché) bénéficie de la possibilité de demander la révision du contrat à son avantage si de telles modifications sont demandées, ou si des circonstances imprévisibles en perturbent l’exécution.

Vu ces spécificités, des règles particulières doivent nécessairement être élaborées. C’est pourquoi la loi de base qui régira les marchés à passer en 2013[1]la loi du 15 juin 2006 – s’accompagne d’arrêtés royaux relatifs à la passation des marchés (par exemple l’arrêté royal du 15 juillet 2011), ainsi que d’un arrêté royal relatif à l’exécution (c’est-à-dire la phase qui suit l’attribution). Certaines obligations européennes telles que l’obligation de prévoir une législation spécifique pour les marchés de défense et de sécurité ainsi que la subdivision de la réglementation entre secteurs « classiques » (général) et « spéciaux » (eau, énergie, transports, services postaux) complexifient encore davantage la matière. Avant l’entrée en vigueur de la réforme, une loi relative à la motivation, à l’information et aux voies de recours devra encore voir le jour (possibilité d’introduire des recours efficaces contre les décisions des pouvoirs adjudicateurs).

En parallèle aux travaux d’achèvement de cette réforme qui introduira de nouveaux textes, le législateur belge est confronté à une double contrainte qui a pour effet de ralentir celle-ci.

D’une part, il a dû, suite à la pression européenne, se résoudre à adapter sa réglementation existante à maintes reprises, parfois dans des conditions difficiles, et alors même que les moyens auraient pu être consacrés à la réforme globale en tant que telle.

D’autre part, il doit actuellement assurer le positionnement de la Belgique lors des négociations – menées à un rythme soutenu – qui se sont ouvertes depuis la présentation par la Commission européenne le 20 décembre 2011[2] de trois nouvelles propositions de directives relatives aux marchés publics et aux concessions.

Ces multiples modifications – passées et à venir – suscitent de nombreuses questions et ont semé, sur le terrain, des germes d’incertitude et d’insécurité juridique. La connaissance de la manière dont fonctionnent les institutions et les processus de prise de décision permet, en partie, de comprendre la raison de la complexité de la matière. Il faut cependant éviter de tomber dans une forme de manichéisme confortable et reconnaître que certaines améliorations sont souhaitables et que la complexité n’est pas un phénomène réservé aux marchés publics. Il reste qu’on ne peut que souhaiter ardemment qu’une réelle simplification – à destination non seulement des entreprises, mais également des pouvoirs adjudicateurs – puisse voir le jour.


[1]Toute la législation actuelle et future (pour ce qui concerne les textes déjà publiés) peut être consultée sur le site https://www.publicprocurement.be/fr en version consolidée. C’est pourquoi ils sont cités ici sous leur dénomination simplifiée.
[2]Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la passation des marchés publics du 20 décembre 2011 (COM/2011/0896 final), consultable sur http://eur lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52011PC0896:FR:NOT

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